Dans son atelier au quartier talbourjte à Agadir, le journaliste artiste Amazigh Abdellah Aourik a ouvert son cœur à notre journal.
Il a volontairement répondu à nos questions dans ce long entretien ou il a salué les efforts deployés par les medias pour mettre en valeur et promouvoir la langue et culture Amazighe.
Concernant la disparition de plusieurs journaux amazighs, Awrik pense que les problèmes financiers reste la principale cause tout en insistant sur sa fierté de son expérience du magazine « agadir ofella » qui a permis à son avis aux Gadiris de prendre conscience de l’histoire de sa ville, de sa région, de sa culture, de son art et sur la pensée des autres.
Sur une question relative au caractère d’écriture de la langue amazighe, Awrik a répondu fermemnt que sa devise c’est « tifinagh oui, autre symbole non ».
Marocnews/ Que pensez vous de l’évolution de la presse Amazigh au Maroc ?
AWRIK/ Je dois dire que les medias ont fait un grand effort pour mettre en valeur et promouvoir la langue et culture Amazigh, ce qui était inimaginable il y quelques années.
Un grand progrès a été réalisé et grâce aux medias aussi tamazight a réussi à faire sa place dans la constitution même si peu de presse écrit en tifinagh .
Marocnews/ On assiste ces dernières années à la disparition de journaux Amazighs, quels sont à votre avis les causes ?
AWRIK/ Ce ne sont pas uniquement les journaux amazighs qui disparaissent, il y’a des journaux francophones, anglophones, arabophones ou autres qui disparaissent dans le monde entier, pas forcement parce que c’est tamazight.
Pourquoi ils disparaissent ? La plupart du temps c’est à cause de problèmes financiers, sans oublier la presse électronique qui a également contribué à la diminution de lecteurs de la presse écrite un peu partout dans le monde.
Aux Etats Unis d’Amérique par exemple, lors d’une exposition dernièrement, j’étais étonné de voir le journal comment « Los Angeles times » est réduit à moitié et les trois quarts du journal est réservé à la pub.
Mais je pense qu’on ne peut pas remplacer l’écrit qui reste plus pesant que L’écrit est plus le parlé. Nous sommes d’une génération qui a grandi dans le livre, et la lecture est une thérapeutie qui donne à l’homme l’occasion d’évoluer et de s’oxygéner.
Marocnews/ La télévision amazighe est critiquée par beaucoup d’amazighs eux-mêmes, que pensez-vous de cette expérience?
AWRIK/ Au milieu des années 90, on a décidé de diffuser un journal de 15 minutes en tamazight, c’était une très bonne initiative.
Actuellement, on a une chaine Amazigh. Il n y’a qu’une seule, il en faut d’autres car la concurrence contribue à l’amélioration de la qualité des émissions. Et sans concurrence on ne peut pas évoluer.
Marocnews/ Que représente pour vous la disparition de Aziz Chamkh décédé le 11 avril 2014?
AWRIK/ Le défunt, que Dieu ait son âme, reste un pionnier de la musique contemporaine marocaine. C’était un garçon extraordinaire toujours souriant.
J’ai toujours une encyclopédie de la peinture qu’il m’a offert dans les années 70 à Tiznit, et depuis il est devenu ami.
Comme Amouri Mbark, j’ai écrit sur eux pendant les années soixante dix et j’ai toujours dit que le premier représente Bob Dylan amazigh et le défunt léonard Cohen Amazigh.
Il représente le contemporain de la musique amazigh. Une génération différente de lhaj belaid et autres.
Il n’y a pas longtemps, je l’ai vu au festival du cinéma et immigration. Mais il a fait ce qu’il a à faire, que Dieu ait son âme et je garderai toujours de bons souvenirs de lui.
Marocnews/ Quelle est votre position à propos du caractère d’enseignement de Tamazight ?
AWRIK/ Ma devise c’est « tifinagh oui, autre symbole non » pourquoi ?, parce que nous avons une culture, une langue et un peuple qui a aussi son art, sa musique, son savoir faire et sa façon de pensée.
Si on utilise l’écriture latine on va tomber dans le piège européen. Si on utilise l’écriture arabe on tombe dans le piège oriental.
S’il vous plait, on a une écriture qui s’appelle tifinagh , il vaut mieux utiliser la notre indépendamment de tout le monde.
Marocnews/ Vous êtes amazigh natif du pays de l’arganier, qu’est ce que vous avez fait en tant qu’artiste pour tamazight et pour cet arbre ?
AWRIK/ De mon retour des Etats-Unis en 1990, mon premier coup de pinceau, ma premier peinture était un arganier avec des chèvres. J’ai attiré l’attention et j’ai dit qu’il faut protéger cet arbre parce que c’est le berceau, c’est la racine de tachlhite .
J’ai peint les différents étapes et méthodes d’extraction de l’huile et qui n’ont jamais été peint dans l’histoire et par aucun des artistes.
En 1993, j’avais organisé une exposition sur « tifinagh et couleurs », en 1990, j’avais exposé « l’arganier, son histoire, son peuple et sa langue » , j’avais utilisé le caractère Aramien.
Un an après, J’ai du dessiner chaque lettre, parce que cela n’existait pas en ce moment là, j’ai écris Tifinagh et couleurs en Tifinagh, en Hébreu, en Arabe et en latin, c’est la première fois qu’on voyait ça et même azaykou qui était là était impressionné de voir cela. Ces quatre écritures sont de l’histoire de l’Afrique du nord et du Maroc. Cela a déclenché un mouvement artistique qui s’est inspiré de cette expérience.
Je suis un artiste figuratif réaliste, mais cette fois-ci , j’ai exposé du symbolisme pour encourager notre culture et Je trouve que c’est le rôle de l’artiste.
Marocnews/ Vous critiquez souvent les responsables d’Agadir, si vous vous trouvez à leur place, que feriez-vous ?
AWRIK/ L’USFP n’a rien fait pour Agadir depuis plus de 36 ans, ni bibliothèque, ni cinéma, ni théâtre …
A titre d’exemple, en 1980, nous avons demandé l’autorisation de déterrer les 50 canons qui ont servi de défense de la ville d’Agadir contre les portugais et on nous a chassé en nous disant que ce n’est pas notre affaire, et puis on les a transportés vers Settat et d’autres villes avec l’approbation des élus et des autorités d’Agadir.
Un autre exemple, nous avons demandé un vrai conservatoire de musique digne de ce nom, le projet a été bloqué depuis des années et ils ont décidé de transformer le conservatoire en annexe de la commune. Quant à l’environnement, je n’ai jamais vu un conseil qui fait la guerre aux arbres . Ce même parti nous a permis la ceinture verte et nous nous sommes trouvés avec une ceinture de villas. On déracine des arganiers et des arbres qui font de l’ombre pour mettre des palmiers… On se croit dans un film de kafka, c’est l’absurde le plus total.
Si je me trouve responsable de cette ville, la première des choses est la création d’une école des Beaux-Arts, d’un musée d’art et d’histoire régional, d’une galerie communale et surtout une académie des arts dramatiques, photographiques, cinématographiques et musicaux.
Marocnews/ Quel est le message que vous voulez adresser aux responsables de la culture dans ce pays ?
AWRIK/ Ne soyez pas xénophobes, ni fanatiques d’une pensée unique et absolue. Car l’univers est vastement infini comme la culture qui est largement ouverte à toutes et à tous de cet univers en question.
le Maroc est un pays multiculturel, pays de contraste naturel, de toutes les faisabilités comme l’étoile à cinq branches et où il n’y a pas de juste milieu.
Toutefois, je trouve paradoxal les prétendants “hommes de culture!”, entre autres les ministres de la culture qui, pourtant nés et grandis au Maroc, ne parlent aucun mot en tamazight. Même les maires d’une localité parlant majoritairement tamazight ne connaissent aucun mot en la langue des autochtones, c’est bien bizarre. Que dire des prétendants intellectuels et hommes de théâtre marocains?
Marocnews/ Quels sont les peintres et sculpteurs qui vous ont inspirés dans votre carrière?
AWRIK/ Phidias, Michel Ange, August Rodin, Antoine Bordel, Aristide Maillol, comme classiques. Brancusi, Giacometti comme contemporaines.
Marocnews/ Racontez nous des anecdotes ou des choses qui se sont gravées dans votre mémoire durant vos expositions?
AWRIK/ Il y en a beaucoup, mais celle qui m’a marqué est celle où j’ai obtenu la médaille d’or de récompense pour “défenseur de l’art et de la culture” à Hawaii, USA, si je peux appeler cela une anecdote.
Marocnews/ Parlez nous de votre expérience de sculpteur?
AWRIK/ Certainement une expérience richissime du point de vue de la créativité conceptuelle. Mais malheureusement au Maroc la sculpture n’est pas bien connue et n’est pas tolérée.
La première sculpture d’un rayss que j’ai exposé au musée, j’en ai fait cadeau, Je suis le seul artiste Gadiri et Marocain qui donne un cadeau chaque fois que j’expose dans un musée.
En 1980 on m’a cassé plusieurs de mes sculptures par des fanatiques religieux, ce qui m’a ralenti dans ma production de sculpture.
Marocnews/ Comment expliquez vous la rareté de public des arts plastiques au Maroc en général et au sud en particulier ?
AWRIK/ L’art plastique n’est venu au Maroc et surtout au sud qu’avec la France, alors qu’au nord du Maroc comme chaouen, volubilis… il y avait des écoles romaines …
Marocnews/Que faut-il faire pour que la peinture et la sculpture puisse attirer autant que la musique?
AWRIK/ Installer des monuments sculpturaux dans les rondpoints de la ville, au lieu des fontaines qui ne fonctionnent qu’à l’occasion d’une visite officielle du Chef de l’Etat, dans les place publiques, des galeries spécialisées.
Marocnews/ Que pensez vous des gens qui attaquent et s’opposent à Tamazighte dans notre pays ?
AWRIK/ C’est une insulte, ils veulent ma terre, mes ressources, mes richesses, mais pas ma langue.
Marocnews/ Parlez nous de l’expérience de votre magazine « Agadir o’flla » ?
AWRIK/ Une expérience dont je suis fier et qui a fait le Gadiri à prendre conscience de l’histoire de sa ville, de sa région, de sa culture, de son art et sur la pensée des autres.
D’ “Agadir o’flla” on peut lire et observer les horizons lointains.
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