
La pièce de théâtre intitulée « TAYSA … taysi d trusi », met en scène de nombreux personnages, des femmes, des hommes, jeunes et adultes. Plusieurs actes et scènes soigneusement agencées la qualifient ainsi d’une œuvre théâtrale artistiquement bien structurée.
Le contexte est planté dans un village où toutes sorte de contradictions et de conflits se mitigent. Enfin, disons que, l’ambiance est plutôt morose. L’appauvrissement et l’injustice dont la collectivité se trouve victime sont fortement ressentis chez les jeunes du village, par conséquent la révolte monte, les langues se délient.Les gens s’expriment, s’expliquent et se mettent en action. « Cela ne peut plus durer ainsi, les coutumes et les mœurs des ancêtres sont malmenées. Les valeurs qui fondent la société entière sont menacées de disparaître », ou encore : « Il vaut mieux mourir que de continuer à vivre dans le mépris et l’humiliation », dit l’un des personnages. « Ils ne font rien pour consolider notre union. En revanche, ils sont toujours là pour nous empêcher de nous rassembler », dit l’autre, fustigeant les moins enthousiastes … Toutefois, la controverse et le débat étaient déjà les prémices d’une grande action sociale.
Taysa, l’héroïne de l’histoire, jeune fille, intelligente et belle, ne peut pas rester indifférente devant le malheur qui frappe son peuple. Elle réfléchit à haute voix. Elle s’exprime d’une manière forte et audacieuse confirmant ainsi son engagement total envers une cause qu’elle défendait avec toute abnégation. Les valeurs fondamentales de notre amazighité sont bafouées chaque jour. Il est temps donc, se dit elle, à ce que tous les jeunes doivent se rassembler, s’unir et agir. Il ne faut pas accepter lasoumission. Il faut écraser les ennemis, les destructeurs des valeurs ancestrales, les charlatansqui magouillent, les opportunistes qui cherchent à déstabiliser les structures sociales, les ennemis de l’humanisme. Il faut défaire leur projet malsain.
En effet, les échanges et les discussions se multiplient au sein d’un groupe de jeunes surtout lorsqu’ils se rencontraient dans un lieu hautement symbolique à savoir la source d’eau du bourg. Ils sont unanimes sur l’idée de refuserle joug qu’on cherche à imposer à toute la communauté. Il n’y est de chose la plus grave que la destruction des normes sociales, des systèmes de vie, de la culture, de la civilisation ; c’est pour cette raison qu’une action protestataire s’impose.
Aussitôt, les faits causantles malheurs sontidentifiés, aussitôt la main exogène, qui attise la haine et suscite des convoitises et des conflits, est désignée.Il n’y ‘a pas l’ombre d’un doute dans l’esprit de la jeune génération, quela cause du désordre qui fait secouer et désorienter la société, relève, en toute évidence de l’actionde quelques personnes hideuses. Des hyènes et des chacals comme on les désignait dans le texte théâtral. Des démagogues qui utilisent la religion en la mêlant à toutes les affaires communautaires. Ils s’infiltrent et pourrissent tout. Leur but c’est de s’enrichir au détriment des populations, quitte même à imposer une dominance quelle que soit sa nature ou son horizon.Ils pervertissent toute authenticité, falsifient les vérités et méprisent ce qui fait de la société en tant que telle. Ainsi, ce sont des ennemis du peuple. Pour ce fait, le temps est venu de se débarrasser d’eux ; ce sont des étrangers à la culturelocale et authentique.
Ces idées nouvelles germées dans l’esprit éveillé de la belle Taysa font tache d’huile. Les jeunes ont adopté sa philosophie. Peu à peu, les ascendants s’en mêlent, se sympathisent puis adhérent à un projet révolutionnaire tracé par Taysa et ses collaborateurs. Se libérer. Il faudra nous unir contre les idées et les actions subversives de l’intrus. L’action menée par la communauté a créée une métamorphose. Dans son élan débordant, la foule piétinera les hyènes et les chacals. Ils seront désormais réduits en cendre. L’histoire va déboucher sur une sorte d’apothéose heureuse pour tous les membres de la communauté.Le peuple opprimé et conscient se débarrasse des théocrates démagogues, avides et voraces qui se comportent en colons.Le peuple enfin retrouve la paix. Les habitants peuvent vivre solidaires,en harmonie avec eux-mêmes, sur la terre des ancêtres.
Voyons plutôt quelques répliques écrites en Tamazight dans le textethéâtral, mais dont nous allons donner ici, une traduction littérale :
Taysa :
« La révolte s’éclot, elle grandit. Le souffle de la révolution emplit les veines des vivants. Les jeunes s’éveillent, se rassemblent ».
« Le soleil rayonne de bonheur. La plante née de la mauvaise graine sera définitivement déracinée de notre terre. La lune, pleine, nous couvre de son voile de lumière argentée. Le colonisateur enfin brulé dans le brasier de ses iniquités ».
« La solidarité grandira dans la paix retrouvée ».
« L’avenir radieux s’étendau-devant de tous ».
« Ah, que notre bonheur demeure à jamais ».
Tifsa :
« Mais, dites-moi donc : que vous apporte celui-là même que vous nommez « seigneur », n’est-ce pas lui, qui s’est servi de vous ? Il s’est accaparé vos terres, il vous a spolié vos biens. Le despote s’en prend maintenant à vos filles. Il cherche à constituer son harem des plus belles parmi vos propres filles, il fait de vous ses vassales. Enhardi par votre complaisance, il cherche à constituer son armée de vos fils les plus vigoureux ».
« N’avez-vous donc plusune once de dignité ou d’honneur qu’il fallait défendre ? »
Amayas :
« La raison sort de la bouche de Taysa. Mettons un terme à l’humiliation qu’on cherche à nous imposer. Réfléchissez, juste un instant. Vous vous rendrez compte sans peine que les valeurs de Timmouzgha n’ont pas de prix ».
« Les notables et les seigneurs veulent nous assujettir. Ils veulent nous enfermer dans l’obscurantisme de leur idéologie. Mais, sachez que si nous sauvegardons notre Timmouzzgha, nous irons imperturbable vers les lumières et la liberté ».
Enfin on peut dire que, rédigée dans un style soutenu et modérée en employant un lexique riche et varié, la pièce de théâtre que nous donne Hassan ARJAOUI est un enrichissement au théâtre amazigh en particulier et à la culture amazighe en général. Le message qu’elle porte traverse en filigrane les dialogues sagement agencés, comme un appel fervent et perpétuel à chacun de nous : « Par nosidées et par nos actes, n’oublions jamais de sauvegarderl’essentiel dans la vie:l’identité ».
C’était un simple essai d’analyse littéraire, un avant-goût d’une lecture analytique de ce produit littéraire amazigh par lequel on a essayé de traiter quelques aspects liés à la critique littéraire, pour ce fait, le champ d’étude est pleinement ouvert et encourageant pour d’autres réflexions que ce soit sur cette pièce en particulier ou pour d’autres produits écrits en Tamazight, pour Tamazightet pour Imazighen.
Par H .LIHI -Février 2025-